Sublime et infernal
Le titre de l’exposition vient d’un texte du philosophe Philippe Mengue et du choix que le galeriste Patrice Vallette et lui même ont fait. « Le sublime peut paraître prétentieux mais lorsqu’il est lié à l’infernal on peut décrire des tas de choses«
(Acryliques sur toiles)
L’interprétation de l’oeuvre:
Un point commun à tous les artistes peintres explique Yvan Magnani, « c’est d’avoir à la fois une très grande ouverture sur l’extérieur et d’essayer d’avoir une très grande profondeur intérieure. Il faut arriver à joue à l’unisson avec ces deux perceptions là ». Pour les séries de peintures il y a une idée de départ qui se développe « avec des principes esthétiques plus ou moins élaborés. Une conjugaison de matières et de couleurs qui provoquent un sentiment chez celui qui observe ». L’essentiel c’est justement ce sentiment, c’est « d’émouvoir ou de faire réfléchir le visiteur ». L’art participe à l’évolution de l’humanité. C’est un bien grand mot mais il y a toujours participé depuis Lascaux. L’art a été très rarement rétrogradé »
Et une fois ce sentiment réveillé, qu’il séduise, qu’il dérange, qu’il intrigue, il y a presque toujours une volonté, un besoin d’expliquer ce qui s’expose sur le canevas. Entre l’interprétation du spectateur et la volonté de l’artiste, on se demande s’il y a parfois comme un défaut d’interprétation. N’y projette t’on pas nos propres codes et perceptions en galvaudant le propos initial? Ainsi, au sujet du peintre, Philippe Mengue a un jour écrit « depuis de nombreuses années (depuis toujours?), Yvan Magnani ne peint qu’une chose: la terre, ses plis, ses failles, ses poussées profondes… Immense amour de la Terre ». La première question qui se dessine alors est de s’interroger sur cette approche mono-sujet. Est-ce bien là la démarche dans laquelle se cantonne Yvan Magnanni? Il cite alors l’une de ses séries, Pensée violente, « cela n’a rien à voir avec un phénomène terrien; d’autres tableaux sont liés aux tectoniques », certe il y a la Terre, mais la thématique n’est pas une donnée récurrente dans ses créations.
Jusqu’il y a quelques années il peignait aussi des fresques, la plupart du temps pour des particuliers. « la fresque doit être étudiée car son support est un mur, elle est donc condamnée à rester à vie à l’endroit où elle a pris vie. Elle doit être en symbiose avec ce qui l’entoure »
Du rien à l’oeuvre
Le processus de création est parfois long. Le peintre explique qu’il commence une toile pour la finir trois ans plus tard. Il peut y avoir « un blocage » et il « l’oublie » alors tout simplement, pour la reprendre bien après. Mais dans « la majorité des cas, je crée d’une seule traite ». Et puis il y aussi des toiles inachevées, qu’il ne finira jamais « car elles sont irrattrapables ».
Quant à l’inspiration, il parle de formes et de couleurs qui murissent. « Je peux très bien me promener et quelque chose s’installe, ensuite j’essaye de concrétiser celas par des croquis ». Et puis parfois l’inspiration vient spontanément « devant la toile blanche et un déclic se fait tout à coup ».
Dans sa palette il y a des couleurs que l’on retrouve rarement, comme le bleu. Pourtant l’artiste dit qu’il adore cette couleur mais qu’il a du mal à l’utiliser, « comme le vert » du reste.
Yvan Magnani crée ses propres peintures, se sert parfoir aussi de poudre de cuivre pour un rendu particulier, de sable pour donner de la matière, comme celui provenant des Canaries qu’il a utilisé pour « Arotaba el Bulollo« . Un sable qu’il décrit comme « extraordinaire », une sable volcanique noir et scintillant. Pinceaux, couteaux, aérographe, il expérimente autant les outils que les pigments et utilise plus souvent de l’acrylique, car « avec des pigments on arrive à donner un fini presque aussi subtil que la peinture à l’huile » dit-il.
Sublime et infernal
Pensée violente est la première toile qui nous interpelle. Comme un drapé aux sombres courbes, entaché d’un rouge sang. Ces « toiles sont une étude psychologique, un essai créé afin de concrétiser l’esprit de la violence ». La violence n’est cependant pas un terme récurrent, on sent une recherche dans l’interprétation artistique de cette émotion, « c’est en étudiant la violence que l’on peut devenir non violent » confie Yvan Magnani. Mais quelle est cette vision et cette perception? « J’imagine que cela est similaire pour un peu tout le monde. Losque l’on est dans un état d’agressivité, de révolte, d’injustice, je pense qu’il y a une énorme confusion dans l’esprit de celui qui vit cela qui se traduit par le rouge et le blanc. Le blanc vient en antagonisme avec le rouge, il y a une lutte entre les deux couleurs. Le rouge tout seul n’a pas la même force, les deux en duel cela devient alors terrible » explique t’il
Vespa et ses lignes irrégulières de rouge, de jaune et d’un orange presque rouille au milieu du noir. Vespa est né d’une guêpe, posée sur une table, l’artiste a alors observé ses couleurs qu’il a reproduit sous les « traits d’un paysage »
Il y a aussi cette oeuvre, presque figurative, on peut penser que le « personnage est un homme du passé, dépassé, et empêtré dans ses contradictions. IL y a des symboles, chose que je n’utilise pas d’habitude, comme cette chose sur la tête qui fait penser à un chapeau et qui représente une coiffe artistique. Il le garde mais en fait il tient à peine, l’homme qui se trouve dessous est complétement disloqué ».
Yvan Magnani envisage aujourd’hui de travailler sur « l’enfermement. D’étudier le comportement humain. De la même façon que l’on a parlé de la violence, des ressentis que l’on enferme. J’ai déjà fait quelques essais sur ce thème il y a longtemps. C’est en étudiant ces problèmes que l’on arrive à s’en sortir. Il est nécessaire de bien observer son ennemi afin de réussir à le vaincre » achève t’il.